Ralentir pour 2020 ? Là où une certaine tendance prône l’efficience personnelle, le management de soi, de nombreuses personnes tentent de se dépasser, sans frein, le pied sur l’accélérateur, au maximum de leurs possibilités. Et le maître mot devient : OPTIMISER.

Le chef d’entreprise optimise le rendement de ses employés. Le travailleur optimise ses ressources pour tenir. On optimise aussi les rendez-vous amicaux pour être sûr d’optimiser… le temps passé chez le coiffeur ou encore le temps pour s’optimiser soi-même. Car ne l’oublions pas, il faut optimiser son potentiel pour être sûr de ne pas être largué. Quelle frénésie ! Si une bonne dose de sérieux et d’implication est nécessaire au travail, pourquoi en arriver à une éthique de l’exploit ? Concurrence oblige, on tente de se distinguer. Pour ne pas être rattrapé par le temps, s’améliorer à outrance.

Où est passé le temps pour en venir à OPTIMISER SON QUOTIDIEN ? Le temps se limite-t-il à un agencement de rendez-vous ou de tâches planifiées sur « mind-maps » ? Jean-Louis Servan-Schreiber tire la sonnette d’alarme en publiant « Trop vite ». Pour cet essayiste français, nous sommes « prisonniers du court terme » et nous vivons dans une course permanente. Quel antidote à cette mouvance de l’urgence ?

Bien que nous soyons pris dans un système, être conscient de l’accélération de nos vies est un bon départ. Le temps peut-il être vécu, plutôt que consacré à tout ce qu’il faudrait faire ? Peut-on prendre le temps, de temps en temps, de se laisser distraire ? Ou retrouver le bonheur des choses simples ? Une promenade sans but ni ultimatum… Retrouver un vieil ami ou le temps de vivre ?

Un ordinateur exécute des fonctions, un individu, lui, s’exécute à force de se prendre pour un ordinateur. Nous sommes bien complexes, qui plus est, dotés d’émotions. Grâce à elles (ou à cause), nous éprouvons le meilleur, comme le pire. Cette propriété, fondamentalement humaine, joue un rôle tampon dans la gestion de notre quotidien déchaîné. Baromètre de nos excès, elles nous poussent, tant à l’action qu’à l’inaction. Elles nous renseignent aussi sur l’état de notre corps, bien présent lui, lorsque la plupart de notre temps se passe d’espace puisque téléguidé par la réalité virtuelle.

Le neuroscientifique Antonio Damasio illustre dans son dernier livre « Spinoza avait raison » (suite de « L’erreur de Descartes »), le fait que sans émotions, nous ne pourrions nous décider sur quoique ce soit. L’émotion est fondamentale en cela qu’elle nous met en mouvement et nous permet d’appréhender plusieurs possibilités selon nos préférences. Alerté de toute part, l’homme contemporain court, mais sans savoir où donner de la tête. La pensée du philosophe hollandais Spinoza mise en perspective par Damasio nous inspire alors : si faire un choix c’est passer par l’émotion, pourrions-nous choisir de ralentir ou de respirer lorsque l’alerte rouge résonne ? Serions-nous capables de développer cette intelligence qui a le vent en poupe et qui se nomme intelligence émotionnelle ? Pour faire simple, il serait question pour la renforcer et selon la psychologue Moïra Mikolajczak de l’Université de Louvain, d’apprendre à identifier son ressenti tout en étant capable de l’exprimer, de savoir repérer les facteurs déclencheurs de des affects, de réguler son humeur par l’action et d’utiliser ses émotions comme une force. Vaste programme mais qui en vaut bien la peine.

On peut donc ralentir à condition d’accepter notre condition. C’est tout de même mieux que de se prendre pour un ordinateur…